Monsieur le Délégué Interministériel,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires,
Mesdames et Messieurs les Editeurs,
Mesdames et Messieurs les Ecrivains,
Mesdames, Messieurs les Présidents d’Associations,
Mesdames et Messieurs les Membres du Jury du Prix,
Chères collégiennes et collégiens Membres du Jury des collèges, Mesdames et Messieurs et Amis du Prix FETKANN ! Maryse Condé,

Merci d’être ici, merci d’être ici, merci d’être ici au Café de Flore.
Et dire que j’étais ici même, au mois de juin 2001, au Café de flore à la recherche d’un lieu pour organiser les cérémonies de remise du Prix FETKANN ! tout juste créé pour faire vivre la loi du 10 mai 2001, dite Loi Taubira où la France reconnaît l’esclavage et la traite comme crimes contre l’Humanité. Nous étions heureux, la France avait aboli l’esclavage avec le décret d’abolition de Victor SCHOELCHER du 27 avril 1848, la France avait commémoré le 150ème anniversaire de l’abolition en 1998, cette loi, même dépouillée des réparations, était une avancée considérable et pour la circonstance, des villes de l’Hexagone et d’Outre-mer s’étaient dotées de symboles mémoriels.

Massy avait offert, à ses habitants en 1989, à l’initiative du CIFORDOM, une place Victor Schoelcher sur laquelle est érigée une Statue de Toussaint Louverture.

Nantes, port négrier, a eu le courage de regarder en face son passé, en inaugurant l’Esplanade du Mémorial le 25 mars 2012.

La Rochelle, connue comme le deuxième port négrier de France a aussi apporté sa contribution, en ne niant rien de son histoire, en inaugurant le 20 mai 2015 une statue de Toussaint Louverture, le père de l’indépendance d’Haïti, réalisée par le Sculpteur Sénégalais Ousmane SOW.

Et le Président Hollande a inauguré le 10 mai 2015, en Guadeloupe, le Mémorial Act, sur cette terre où Louis Delgrès s’était fait sauter pour s’opposer au rétablissement de l’esclavage par Napoléon. Désespérer de l’Histoire c’est désespérer de l’Homme, disait Aimé Césaire.

Oui, mesdames et messieurs, tous ces lieux de mémoire sont issus de luttes de notre point de vue, pour ne pas oublier, ne jamais oublier que plus de 13 millions d’africains ont été mis en esclavage et déportés pour travailler dans des plantations au profit des colons et armateurs occidentaux, mais aussi pour faciliter l’avènement d’une société meilleure, plus humaine et plus juste.

C’était aussi le sens de la décision du Président Jacques Chirac, qui sur proposition de Maryse Condé, première Présidente du Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage a retenu la date du 10 mai pour célébrer la « Mémoire de la traite négrière, de l’esclavage et de leurs abolitions » à laquelle est venue s’ajouter la date du 23 mai en « souvenir de la souffrance des esclaves, après le vote récemment sur l’égalité réelle.

Que de victoires qu’il faut saluer, que nous devons à la gauche comme à la droite et aux associations qui luttent en faveur de l’histoire, de la mémoire et de la citoyenneté

Mesdames et messieurs, toutes ses victoires en France mais aussi à travers le monde, et il y en a eu quelques unes, ont endormi certains humanistes. Beaucoup ont cru que le monde était devenu meilleur, et ont fermé les yeux et les oreilles, ils ont laissé place aux pensées extrêmes.

Brutal réveil ce 14 novembre dernier, les images présentées sur la 2 et sur les réseaux sociaux, mettaient sous nos yeux la vente aux enchères en Lybie de migrants noirs venus d’Afrique. Nous entendions : « C’est un mineur, un homme grand et fort, il creusera »…….Etions-nous au cinéma en train de revoir des images d’Amistad ou de 12 Years of slave ?; NON !, la scène se passe de nos jours en Lybie où en octobre dernier, deux journalistes de CCN filment en caméra caché une vente aux enchères de migrants venus d’Afrique de l’Ouest (Mali, Niger, Côte d’Ivoire, de l’Est (Soudan, Somalie, Erythrée…) qui pensaient pouvoir rejoindre l’Italie, mais qui ne sont plus que marchandises sous la coupe de passeurs mafieux et tortionnaires se transformant en négriers.

Voici que l’actualité remet en scène le spectre d’une pratique esclavagiste qui n’a pas moins eu cours du 17ème siècle à 1920, dans le monde arabo-musulman, qu’au cœur de notre propre histoire, qui reste marquée par les stigmates du code noir, dont le nom et la figure de Colbert reste l’emblème.

Mesdames et messieurs, Horreur, nous sommes meurtris, Horreur, nous sommes indignés, mais au fond, tout le monde savait ; ces faits et les atrocités qui les accompagnent étaient connus et dénoncés par des ONG.
Des écrivains avaient écrit, nous l’avions lu dans des ouvrages présentés au Prix FETKANN! qui nous rassemble aujourd’hui.

Le Prix Littéraire FETKANN ! Maryse Condé, Mémoire des Pays du Sud, Mémoire de l’Humanité est attristé parce que sa raison d’être est le combat contre la haine de l’autre, contre les discriminations, contre l’exploitation de l’homme par l’homme ; comme Martin Luther King, il rêve. Il rêve d’un monde fraternel, d’un monde de liberté, il rêve de la victoire de l’esprit de tolérance, il croit en la laïcité pour que les hommes se donnent la main, mais il croit aussi à l’éducation pour changer les mentalités. Il lui semble que le législateur voit juste quand il encourage l’enseignement de l’histoire de la Shoa et l’histoire de l’esclavage.

Le Prix littéraire FETKANN ! s’efforce de dénicher des auteurs qui respectent toutes les identités culturelles, qui font la leur cette pensée d’Antoine de Saint-Exupéry : « Si tu es différent de moi, loin de me léser, tu m’enrichis » ou tentent d’apporter des réponses novatrices à la question posée par Edouard Glissant : « Comment s’ouvrir à l’autre sans se fermer à soi-même ».

Mesdames et messieurs, le Prix Littéraire FETKANN ! s’engage auprès du corps enseignant , le lauréat de la catégorie « Jeunesse est décerné par le Jury des Collégiens de l’Hexagone et d’Outre-mer ; les enseignants nous disent que les enfants sortent enrichis et nous le croyons.

Je veux saluer les élèves ici présents : élèves du Collège Blaise Pascal de Massy, les élèves du Collège Samuel de Mussy de La Rochelle et les élèves du Lycée professionnel Claude Nicolas Ledoux de Pavillon-sous-Bois ; j’ai aussi une pensée particulière pour les élèves du Collège de Mateliane en Guadeloupe, empêchés d’être avec nous pour des raisons de budget.

Merci aux élèves, merci aux enseignants qui les accompagnent, merci à vous toutes et tous qui avez répondu à notre invitation, merci au CIFORDOM, et surtout merci à la Délégation Générale du Prix qui depuis 2001, milite sans relâche pour faire vivre le Prix FETKANN! qui n’a jamais reçu le soutien financier du Ministère de la Culture, ni d’ailleurs de la Martinique, de la Guyane ou de la Réunion, peut-être permettront-ils à l’avenir aux collégiens d’ Outre-mer de s’exprimer aussi ici et de découvrir ce haut lieu de la Culture.

Mesdames et messieurs, j’arrive au terme de mon propos et je veux vous dire quele Prix FETKANN ! Maryse Condé est la bouche, comme celle d’Aimé Césaire, la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche et notre voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir, aussi nous dénonçons l’inhumanité et suivons le Haut Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein qui déclare ; je cite : « La communauté internationale ne peut pas continuer à fermer les yeux sur les horreurs inimaginables endurées par les migrants en Lybie.

Nous n’aurions rien compris au message de Frantz Fanon, qui nous dit que « Chaque génération découvre sa mission, l’accomplit ou la trahit »; si nous restions en dehors de ce combat en faveur de l’humain, nous ne serions plus nous-mêmes.

Le Prix FETKANN ! Maryse Condé ne veut pas trahir. Le Prix FETKANN! serait coupable de laisser la voix libre à tous ceux qui prônent l’oubli, l’injustice et l’intolérance et aussi aux démons qui organisent des débats sur l’identité nationale.

Je vous remercie.

 

José PENTOSCROPE
Économiste
Initiateur du Prix Littéraire FETKANN ! Maryse Condé
(Mémoire des Pays du Sud, Mémoire de l’Humanité)
Président du CIFORDOM