Haiti5

HAÏTI

Tous les regards se tournent vers Haïti, cette terre où naquirent, grands parmi les grands, Toussaint Louverture, Dessaline, Stéphen Alexis, Anthénor Firmin, Jacques Roumain, Georges Anglade et combien d’autres ! cette terre d’élection du rhum, du sucre, du coton, de l’indigo, du bois de campêche, du café, du riz, du cacao et de tant d’autres produits ; Haïti, terre nourricière, qui fut capable de nourrir à la fois l’esprit et la chair de tant d’êtres humains ! « Haïti chérie », terre d’Histoire et de Culture te voilà frappée durement et pour longtemps dans ta chair !

« Haïti chérie », la terre a tremblé, tremblé, tremblé, très fort, trop fort pour que tes bidonvilles résistent au séisme dévastateur.

Fontarama, Cité soleil sont en poussière, et combien de tes enfants sont ensevelis sous les gravas !

Maintenant, tu devras vivre avec tes mutilés, amputés dans l’urgence, qui ne fouleront plus jamais leur terre ni aucune autre terre sur leurs deux pieds.

O combien d’orphelins, de veuves, de veufs pleurent les défunts !

Et pourtant la vie ne doit pas s’arrêter.

« Haïti chérie », tu es meurtrie mais tu n’es pas achevée.

Meurtrie, tant de fois tu l’as été, par tant d’épreuves, par tant de souffrances, comme si tes enfants ne pouvaient rien espérer d’autre que la souffrance !

Le monde entier a crié ton nom le temps d’un instant, mais tu sais faire la part parmi tous ces cris, ceux du cœur, d’un véritable attachement à ta terre et les condoléances de circonstance, de ceux qui veulent tirer profit des émotions provoquées par ton malheur.

Car tu sais discerner ceux qui ont toujours été à tes côtés, ceux qui essuient le sang de tes enfants avec leurs mains.

« Haïti chérie », tu sais te montrer reconnaissante à l’égard de l’aide humanitaire dont tu bénéficies, maigre compensation au regard des fortunes construites par ces colons, ces esclavagistes, tous ces profiteurs venus du monde entier, jusqu’à être contrainte de dédommager l’ancienne puissance coloniale, en payant au prix fort la liberté d’être la première république noire.

Ceux qui volent aujourd’hui de toute part à ton secours, pensent-ils vraiment au café, au thé, au rhum, fruits de tes entrailles, dont tant de nantis se sont gavés jadis à ton détriment dans l’indifférence la plus totale au sort des esclaves, qui fut si cruel que les séquelles en subsistent encore de nos jours.

Demain, sans doute, reviendront l’indifférence et l’oubli, si prompts à gommer les malheurs des peuples qui souffrent avant même que les mouchoirs ne sèchent.

Reste donc sur tes gardes, prends garde à toi.

Ta terre a tremblé. Il faut y voir le signe du réveil, d’un appel au courage de ton peuple, à la responsabilité de tes élites et à la solidarité des hommes de bonne volonté pour que tous s’emploient à te relever de tes ruines.

Haïti sache que tu es aimée et que ceux qui te vouent leur amour te resteront fidèles. Ils diront avec force à tous ceux qui se présentent bienfaiteurs, qu’il n’ait d’humanisme authentique que si l’on place l’homme et sa dignité au centre de tout, le respect des autres avant les surenchères intéressées de l’amour propre.

Disons-leur encore, dans cette phase de reconstruction et dans l’esprit des messages à portée universelle d’un Toussaint Louverture ou d’un Delgrès : « Plus d’asservissement, plus d’oppression ».

José PENTOSCROPE