Décès de Marcel DORIGNY

Historien et universitaire, spécialiste de l’histoire de l’esclavage, professeur émérite à ,l’université Paris VIII, Directeur de la revue Dix-Huitième siècle de 2005 à 2014, Auteur et coordinateur de nombreux ouvrages, Membre du Comité scientifique des patrimoines de l’esclavage du ministère de la culture, du Comité de réflexion et de propositions pour les relations franco-Haïtiennes, du Comité de vigilance face aux usages publics de l’histoire, de la société des études robespierristes, de l’Institut d’histoire de la Révolution française et du Comité pour la mémoire et l’histoire de l’esclavage, Chevalier de la Légion d’honneur, Marcel Dorigny vient de nous quitter brutalement.

Marcel Dorigny était aussi un pilier essentiel du CIFORDOM. Il apportait une expertise précise, un regard éclairé au comité de lecture du Prix Littéraire FETKANN! Maryse Condé en faveur du travail et du devoir de mémoire remis chaque année en novembre au café de Flore.

Spécialiste de la traite négrière transatlantique et de l’esclavage colonial, Marcel Dorigny était aussi un excellent vulgarisateur. Il avait bien sûr travaillé, analysé de façon approfondie et écrit sur l’histoire de la traite négrière et sur l,’histoire de l’esclavage colonial mais surtout il avait analysé le long et complexe processus de sortie de l’esclavage colonial et la création des sociétés post-esclavagistes. Les abolitions ont en effet produit des sociétés très différentes dans la Caraïbe, le sud des États-Unis, au Brésil qui se distinguent selon lui du cas particulier de Haïti qui a connu un processus unique d’abolition.

Il est bon de rappeler, comme Marcel Dorigny, que « dès son arrivée sur les plantations l’esclave devait changer d’identité. Baptisé, il devait rompre avec sa religion. Doté d’un nouveau nom, il devait oublier le sien, ainsi que sa langue. Enfin, musiques et danses d’Afriques lui étaient interdits, étant considérés comme susceptibles voire prétextes à complots. ».

Pour Marcel Dorigny : « la destruction de l’esclavage colonial a fait place à des sociétés nouvelles qui ont cherché une voie inédite de développement post-esclavagiste où les principes de liberté et d’égalité ont été « aménagés » pour maintenir les schémas fondamentaux mis en place depuis plusieurs siècles : la production et l’exportation des fameuses « denrées coloniales », chères à l’Europe ».

Dans les ouvrages de Marcel Dorigny, les aspects culturels et religieux sont mis en valeur. Son ouvrage Arts et Lettres contre l’esclavage (Cercle d’Art, 2018) apporte un éclairage nouveau sur le rôle des œuvres d’art et de la littérature du 18ème siècle dans la diffusion de la connaissance des conditions des esclaves et leur impact sur l’abolition. « Les artistes ont joué un rôle non négligeable dans le combat abolitionniste. Aux côtés des écrivains, ils ont dénoncé les pratiques esclavagistes avec une efficacité démultipliée, les images ayant eu un impact populaire plus percutant que les seuls textes, à des époques où la lecture était loin d’être acquise à tous. »
Le Grand Atlas des empires coloniaux auquel il avait participé est un monument de cartographie et d’infographie.

Le CIFORDOM perd un ami fidèle et très précieux. Il présente ses très sincères condoléances à sa famille.

Marcel Dorigny dont la dernière manifestation publique a été la participation à l’inauguration de la Promenade Édouard Glissant à Paris le 21 septembre 2021 nous dédions ces deux premiers vers du poème d’Édouard Glissant tiré du Traité du Tout-Monde (Poétique IV, NRF, Gallimard, août 1997, page 139).

« La terre matrice des pays antillais, Haïti.
Qui n’en finit pas d’acquitter l’audace qu’elle eut de concevoir et de faire lever la première nation nègre du monde de la colonisation »

José Pentoscrope,
Président du CIFORDOM
Initiateur du Prix Littéraire FETKANN ! Maryse Condé